Association "LE GAIAC"

97115 Sainte Rose
Guadeloupe

L'iguane des Petites Antilles

tortue

BIOLOGIE DE L'ESPECE
La longueur totale d'un iguane des petites Antilles n’excède pas 140-150 cm chez les mâles et 130 cm chez les femelles (Breuil, 2002). Le poids des mâles peut atteindre 3,5 kg et celui des femelles 2,7 kg quand elles sont gravides (Reichling, 1999 ; Day et al., 2000 ; Breuil, 2002). La longueur des individus est variable selon les populations ce qui n’est pas encore expliqué (limitation des ressources alimentaires, modification de la dynamique des populations à la suite de la mortalité des individus les plus âgés,…). Les nouveau-nés ont une taille (longueur museau - fente cloacale) comprise entre 67 et 83 millimètres selon les îles et présentent une couleur vert pomme avec des marques blanches sur la mâchoire inférieure, les épaules et parfois des barres verticales blanches sur les flancs. Chez les mâles dominants adultes, le corps est marron-gris à gris foncé. La femelle adulte est verte et devient marron en vieillissant. Quand les mâles sont sexuellement actifs, les joues deviennent rosées, les écailles occipitales charnues développent une légère couleur bleue et les pores fémoraux sont nettement développés.

HABITAT DE L'ESPECE Principalement arboricole, l'espèce vit dans des milieux très variés : les broussailles sèches, les forêts littorales (réserve naturelle de Petite-Terre), les ravines humides bordées d'arbres (manguiers, poisdoux...), la mangrove d'arrière plage (plage de Cluny (Basse-Terre), Martinique…). Des divergences écologiques nettes existent entre les populations des milieux arides et celles des milieux humides. Dans les milieux arides (Petite-Terre, la Désirade), les iguanes sont fréquemment au sol et s'enfuient rapidement, ils se cachent parfois dans d'anciens nids, les fissures des rochers, dans les troncs creux de poiriers. Quand ils sont dans les arbres, ils se laissent tomber sur le sol pour fuir ou grimpent vers le sommet. Dans les forêts humides, les iguanes semblent exclusivement arboricoles, ils se nourrissent sur les cimes des arbres et se déplacent d'arbre en arbre. Dès l'émergence du nid, les nouveau-nés se dispersent dans la végétation. La végétation basse et dense offre, aux nouveau-nés et aux jeunes, protection et alimentation variée. Par ailleurs, les iguanes ont des capacités natatoires importantes (les Saintes, Petite-Terre…). Les iguanes sont des ectothermes. Il est nécessaire pour eux de s’exposer au soleil afin d’augmenter leur température (pouvant atteindre jusqu’à 38-39°C) pour pouvoir effectuer leurs activités journalières (déplacement, alimentation, reproduction…).

ALIMENTATION Iguana delicatissima est un reptile végétarien généraliste. Son régime alimentaire est constitué de feuilles, de fleurs et de fruits d’une grande variété de végétaux. Ainsi, une étude menée par Barré et al. en 1997 à Petite terre, sur deux cent quarante excréments d’iguanes a montré qu’au moins vingt huit espèces végétales sont consommées dont préférentiellement, le poirier (Tabebuia heterophylla), le mancenillier (Hippomane mancenilla), l’amourette (Clerodendron aculeatum), le bois couleuvre (Capparis flexuosa), le bois noir (Capparis cynophallophora), le mapou (Pisonia fragans), le gaïac (Guajacum officinale), le gommier rouge (Bursera simaruba) et le palétuvier gris (Conocarpus erecta). L’alimentation varie avec les saisons : pendant le Carême, les iguanes consomment essentiellement des feuilles et en saison humide, davantage de fleurs et de fruits. De par ce régime alimentaire, Iguana delicatissima occupe une place importante dans la dispersion des graines.

REPRODUCTION Les mâles dominants défendent activement un territoire, au moins pendant la période de reproduction. L’intimidation se fait par des hochements de tête (head-bobbing), des ondulations, des gonflements du corps voire de modestes extensions du fanon. Les combats entre mâles sont plutôt rare *s mais violents et des blessures spectaculaires peuvent être observées (fanon déchiré, morsures sur tout le corps, queue déformée…). La parade nuptiale est brève. Le mâle possède deux organes copulateurs, appelés hémipénis, logés à la base de la queue. Lors de la copulation, un seul est utilisé. Iguana delicatissima est une espèce polygame (Breuil, 2002). Les femelles occuperaient des domaines vitaux plus grands que ceux des mâles. Ces territoires se chevauchent avec ceux d'autres femelles et parfois avec ceux de plusieurs mâles. Comme de nombreuses espèces de reptiles des régions tropicales, la reproduction durant la saison des pluies coïncide avec le développement de la végétation nécessaire à l’alimentation des nouveau-nés. Dans les habitats arides, la reproduction semble relativement synchronisée comme à Petite-Terre et à la Désirade où les femelles pondent généralement de juin à mi-août (Breuil et Thiébot, 1994 ; Breuil, 2002 ; Barré et al., 1997 ; Lorvelec et al., 2000, 2004a, 2004b, 2007). En revanche, dans des milieux plus humides, par exemple, à la Dominique, la saison de reproduction semble plus longue et deux pontes par an sont envisageables (Day et al., 2000). Les femelles (qui atteignent leur maturité sexuelle vers l’âge de trois ans) peuvent parcourir jusqu'à 900 m (Day et al., 2000 ; Legouez, 2007) pour rejoindre un site collectif de ponte. Chez les mâles, la reproduction n'a lieu que plus tard à cause de l'impossibilité d'occuper et de défendre un territoire convenable. Au moment de la ponte, les femelles creusent un tunnel d’environ 1 mètre sur un terrain meuble, nu, bien drainé et avec une bonne orientation par rapport au soleil pour l’incubation des œufs. Une femelle peut pondre entre 15 et 30 œufs selon la taille de la femelle. Le temps d'incubation est d'environ de trois mois.

MENACES PREDATION NATURELLE : Egalement, dans la liste des prédateurs se trouve : - le boa constrictor (Boa constrictor nebulosa), - la petite buse (Buteo platypterus), - les couleuvres (Alsophis spp.), - le rat noir (Rattus rattus)... ALEAS CLIMATIQUES : Les cyclones (de juillet à novembre) accompagnés de fortes pluies ou les sécheresses (stress hydrique prolongé de mai à juillet) peuvent avoir des impacts directs (mortalité des individus) et indirects (destruction des habitats, défoliation des arbres...) sur les iguanes. MENACES LIEES A L'HOMME : Braconnage et commerce La chasse est désormais interdite dans toute l'aire de répartition et malgré cela, Saint-Eustache a récemment connu une reprise de cette activité à la fin des années 80, entraînant un effondrement de la population restante (Day et al., 2000). En Dominique, la chasse reste une activité importante entraînant la chute des effectifs de certaines populations (Day et al., 2000). A Basse-Terre, la chasse y est encore pratiquée. Dans les années 60, des commerçants de Terre de Haut des Saintes achetaient des cadavres d'Iguana delicatissima et empaillaient ces animaux pour les offrir à la vente aux touristes (propos recueillis lors de la prospection de 2009 aux Saintes). Mortalité sur les routes De nombreux iguanes se font écraser sur les routes littorales qui coupent leur habitat. Le maximum de mortalité a lieu à la fin de la saison sèche quand de nombreuses femelles gravides migrent vers les sites de ponte côtiers et au début de la saison humide au moment où les nouveau-nés quittent les nids. Espèces introduites Les îles, au fort taux d’endémisme, sont particulièrement vulnérables à l’introduction d’espèces exogènes pouvant entraîner un déséquilibre des biocénoses. L’introduction peut être volontaire (horticulture, foresterie, chasse…) ou accidentelle (dans la terre ou le sable transportés, par le fret aérien, les engins de transport…). Approuvées par arrêté préfectoral le 5 août 2004 et le 10 juin 2005, les ORGFH de Martinique et de Guadeloupe proposent le contrôle des populations des espèces introduites. MENACES A LA FOIS NATURELLES ET ANTHROPIQUES : Compétition et hybridation avec l’iguane commun Opportuniste dans ses choix alimentaires, plus grand, plus combatif pendant la reproduction (défense du territoire, choix des femelles) et plus prolifique, l’iguane commun est un fort compétiteur de l’iguane des petites Antilles. L’hypothèse de l’hybridation entre les deux espèces d’iguanes, formulée en 1993 (Breuil, 2002) a été confirmée par des analyses génétiques et morphométriques réalisées à partir d'iguanes de Basse-Terre et des Saintes (Day et Thorpe, 1996 ; Day et al. 2000). Elle est ainsi admise par la communauté herpétologique internationale (Flora et Fauna International, Iguana Specialist Group de l'UICN, voir Day et al., 2000 ; Daltry et al., 2001 ; Anguilla et Antigua National Trusts) qui considère ainsi l’iguane commun comme une espèce envahissante dans les petites Antilles. FACTEURS AGISSANT SUR L'HABITAT : Destruction et fragmentation des milieux La plupart des biotopes est fortement altérée par le mitage et l’agriculture. Les zones humides sont particulièrement touchées, que ce soit par pollution ou par comblement/assèchement. Enfin, une des plus importantes modifications des biotopes causée par l’homme est la déstructuration et l’urbanisation des arrière-plages, voire des plages elles-mêmes, privant les iguanes et les tortues marines d’autant de sites de ponte (Stratégie Locale pour la Biodiversité de Martinique, 2005). Impact des herbivores La dégradation régulière et continue des milieux par des caprins et dans une moindre mesure par les ovins semble avoir des effets immédiats et à long terme. Le pâturage conduit au remplacement progressif des espèces dont s'alimentent les iguanes par des espèces toxiques, physiquement protégées ou peu attractives (Lantana, Croton, Caesalpinia,…). Il modifie ainsi la composition spécifique et la structure de l’habitat. CONSERVATION L'iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima) est une des espèce de reptiles les plus menacées dans le monde (Case et al., 1992; Taboada, 1992).Fin 2009, il est passé de « VULNERABLE » à « EN DANGER » par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Depuis 1977, l’iguane des Petites Antilles est inscrit en Annexe II de la convention de Washington (CITES). Longtemps chassé pour sa chair et naturalisé, l'iguane des Petites Antilles conserva aujourd'hui une forte valeur patrimoniale dans les esprits antillais. Les premières mesures de protection concernant les Amphibiens et les Reptiles ont été prises en 1976, sous forme d'un arrêté municipal pour lutter contre la destruction des iguanes dans l'archipel des Saintes. En Guadeloupe, l'étude des iguanes a commencé lors d'un travail d'inventaire de l'herpétofaune et de la végétation des Saintes (Breuil et Sastre, 1993). Cet auteur a émis alors l'hypothèse d'une hybridation entre l'iguane vert et l'iguane des Petites Antilles. En Guadeloupe, les deux espèces d’iguanes sont protégées alors qu’en Martinique, l’arrêté préfectoral du 17 février 1989 protège uniquement l’iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima). Considérant la situation critique de l'iguane des Petites Antilles, l'Etat a initié lors du Conseil National pour la Protection de la Nature (CNPN) du 25 avril 2006, la mise en place d'un plan national d'actions commun aux régions de la Martinique et de la Guadeloupe ainsi qu'aux deux collectivité s de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer a chargé l'ONCFS Martinique sous la direction de la DIREN Martinique de rédiger un Plan National d'Actions (PNA) de l'iguane des Petites Antilles pour sa sauvegarde. En 2010, il a été présenté au CNPN et est en instance de validation ministérielle. Le PNA a pour objectifs de définir et de mettre en oeuvre des actions coordonnées, à court, moyen et à long termes, pour la conservation de l'espèce et de ses habitats aux Antilles françaises. Cette démarche s'appuie sur un diagnostic préalable de la situation passée et actuelle et fait état des actions à mettre en oeuvre dans les trois domaines que sont la protection, l'étude et la communication. En 2008, l'association "Le Gaïac" a été chargée par la DIREN Guadeloupe d'animer et d'administrer le GECIPAG. La réactualisation de l'atlas des populations d'iguanes de l'Archipel guadeloupéen réalisée par le GECIPAG montre que l'iguane des Petites Antilles a vraisemblablement disparu des Saintes, de Grande-Terre et de Saint-Martin. Basse-Terre (Guadeloupe) n'abrite plus de populations constituées uniquement d'Iguana delicatissima mais des Iguana iguana, et des hybrides et des Iguana delicatissima âgés (Breuil et al., 2007). Des analyses génétiques commandées par le GECIPAG au laboratoire Genindexe à La Rochelle, viennent de donner les preuves génétiques de cette hybridation. L’archipel guadeloupéen possède les îles les plus concernées par le phénomène d’hybridation. L’iguane vert poursuit à grande vitesse sa colonisation dans l’archipel guadeloupéen.

La compétition et l’hybridation sont des facteurs responsables de la disparition d’Iguana delicatissima.

Rédigé à partir du livre de Michel BREUIL (2002) : " Histoire Naturelle des Amphibiens et Reptiles terrestres de l'archipel guadeloupéen".